Le groupe Geloso cesse dès maintenant la production de la boisson sucrée alcoolisée FCKD UP, alors que le coprésident du groupe reconnaît que ce produit n’aurait jamais dû exister. Les canettes de FCKD UP seront retirées des tablettes « le plus rapidement possible », une réaction directe à la mort tragique d’une adolescente de 14 ans, jeudi dernier à Laval.
« J’ai ordonné à mes employés l’arrêt immédiat de la production de la boisson FCKD UP. Vendredi dernier, j’ai également ordonné le retrait de toutes les publicités qui la concernent. C’est la bonne chose à faire », a déclaré hier soir Aldo Geloso, coprésident du groupe Geloso, en précisant que les démarches étaient en branle avec ses équipes internes, les détaillants et toute l’industrie pour faire disparaître le plus rapidement possible la boisson FCKD UP du marché.
Jeudi dernier, le corps d’Athena Gervais, disparue depuis trois jours, a été retrouvé dans un ruisseau derrière son école secondaire de Laval. Des amis de l’adolescente ont confié à La Presse qu’elle aurait consommé deux canettes de boisson FCKD UP lundi, à l’heure du dîner, peu avant sa disparition. Selon leurs dires, elle était ivre au point de tituber et d’être incapable de retourner en classe. La boisson sucrée a une teneur en alcool de 11,9 %. La police n’a pas confirmé ces témoignages, mais privilégie la thèse de l’accident.
FCKD UP contre Four Loko
M. Geloso a expliqué que le groupe portant son nom – une entreprise familiale québécoise fondée il y a 50 ans – a développé FCKD UP pour faire compétition à un concurrent américain qui connaissait un succès fulgurant avec sa nouvelle boisson fruitée alcoolisée à 11,9 %, le Four Loko.
« Malgré nos réticences initiales, nous avions décidé d’aller de l’avant. […] Cela dit, avec le recul, je crois que c’était une erreur d’entrer dans cette catégorie pour faire concurrence à Four Loko. En fait, la catégorie Four Loko ne devrait même pas exister. »
— Aldo Geloso, dans une longue déclaration envoyée à La Presse, hier soir
En décembre dernier, la boisson alcoolisée Four Loko a été retirée des épiceries et des dépanneurs puisqu’elle contenait de l’alcool éthylique plutôt que de l’alcool issu de la fermentation du malt comme indiqué sur l’emballage.
« Le fabricant local qui se prépare à introduire de nouveau Four Loko sur le marché doit, comme nous, prendre la bonne décision et ne pas aller de l’avant avec la production et la distribution de ce produit », espère M. Geloso.
Le groupe d’adolescents qui était avec Athena a confié à La Presse qu’ils avaient dérobé des canettes de FCKD UP au dépanneur Couche-Tard situé non loin de l’école. Bien que le résultat des analyses toxicologiques ne soit pas encore connu, la chaîne a ordonné vendredi le retrait de la boisson de ses commerces « à la suite des événements survenus » à Laval. Le groupe Geloso espère que tous les détaillants feront de même avec les produits de son concurrent.
En ce sens, le groupe Geloso réclame une table de concertation avec « tous les acteurs de l’industrie » pour « trouver des solutions pour mieux prévenir la consommation illégale par des mineurs » et se dit prêt à jouer un rôle de leader « afin qu’une telle tragédie ne se répète jamais ».
L’INTERVENTION DE SANTÉ CANADA RÉCLAMÉE
Le débat se transporte également à Ottawa, alors que le sénateur André Pratte demande à Santé Canada de se pencher « dès que possible » sur les risques pour la santé des jeunes que représentent les boissons énergisantes alcoolisées. Dans une lettre à la ministre Ginette Petitpas Taylor, le sénateur Pratte réclame son intervention en joignant sa voix à celles de l’organisme Éduc’alcool et d’autres intervenants de la santé publique qui s’inquiètent de la multiplication des cas d’intoxication et de l’accès trop facile des adolescents à ces boissons. La consommation est pourtant interdite aux personnes de moins de 18 ans.
« Votre ministère avait étudié la question en 2011 et interdit la vente de boissons énergisantes contenant à la fois de la caféine et de l’alcool. Cependant, des boissons faites d’alcool, de grandes quantités de sucre et de produits naturels contenant de la caféine, tel le guarana, sont toujours commercialisées. »
— Extrait de la lettre du sénateur Pratte à la ministre Petitpas Taylor
Selon l’organisme Éduc’alcool, une canette de FCKD UP contient l’équivalent en alcool de quatre verres de vin. Dans un entretien avec La Presse, le sénateur Pratte a estimé que les déclarations de Santé Canada selon lesquelles de tels produits sont légaux « à condition de respecter les exigences générales en matière de salubrité des aliments » sont uniquement destinées à refiler la responsabilité exclusive du problème aux provinces.
« Je pense que Santé Canada interprète son mandat d’une façon trop limitée, dit-il. Comment Santé Canada interprétait-elle son mandat en 2011, quand on s’est penché sur la question et qu’on a prohibé l’ajout d’alcool dans les boissons énergisantes ? Ce qu’on fait aujourd’hui, c’est d’ajouter un produit naturel contenant de la caféine dans une boisson alcoolisée, et le résultat est le même. C’est un peu contradictoire comme position. »
M. Pratte estime que diverses avenues réglementaires pourraient être considérées par Santé Canada, comme une limite sur la concentration d’alcool, une réduction de la taille du contenant, ou encore des restrictions relatives au mélange sucre-caféine-alcool, qui réduit la capacité du consommateur à reconnaître les effets enivrants du produit.